Turdus merula

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En tenue nuptiale sur la plus haute branche

du lentisque

l’oeil cerclé de jaune il regarde

il regarde la terre

il regarde le ciel

le jardin diffusant ondes lumineuses et parfumées

il regarde le frémissement des feuillages

vole fait quelques pas montre l’éventail noir luisant de ses plumes

s’évapore 

et quand il chante plus tard tu sais que le jour est mourant

Reflets roses

L’oiseau couleur de galet aux reflets roses
tente l’approche il a soif et tremper ses chants
dans l’azur ne lui suffit plus pour apaiser ses désirs d’infini

Sur le rocher près de la source rampe la petite féline
celle dont les miaulements tintent à peine
celle dont le dos est pourvu d’un longue ligne noire et le corps parcouru d’ombres fauves
celle dont la queue comporte cinq anneaux et un plumeau noirs
celle qui à sa naissance a renversé sur ses pattes un pot de crème

L’oiseau préfère le ciel à l’eau
La petite féline disparait dans les broussailles

La prochaine fois quelqu’un étanchera sa soif
La prochaine fois quelqu’un répondra aux voix de son instinct

De la mer

Gerhard Richter, oil on canvas, 1969.

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De la mer, il ne reste plus que le ciel, son reflet à peine bleuté.

Á la place des vagues, quelques nuages ondulent faiblement.

Là, comme déposés par un pinceau papillonnant, les quelques 

traits noirs d’une barque. Elle porte au milieu de nulle part  le 

corps vouté d’un personnage. On ne le reconnaît pas.

Le paysage implore un questionnement, s’oppose à ce qu’il

est habituellement, fluide. Muette est la réponse, elle se fige

à peine. La lumière circule toujours librement, déplace les graines

des secondes sans qu’on s’en aperçoive, sans qu’on dispose du

langage pour l’exprimer. Dire c’est dilapider.

Dans le paysage se figent les figuiers, ils ont déjà perdu toutes leurs

feuilles, la rosée et la brume. Le parfum de la terre humide. Les bordures 

de l’aiguille rognent les quelques traces d’obscurité. Se pointe et se résume la virgule au cri de l’oiseau comme 

si quelque chose d’amer restait coincé dans ma gorge et finissait par

germer à l’abris de la lumière. Dépourvues de chlorophylle, de sa parole de

verts flamboyants et croquant la vie, l’aubépine, la bougainvillé ou l’acanthe 

s’éteignent irrémédiablement. Aucun geste même doux et docile, même aimant, même innovant ne rend vraiment la vie aux temps passés qui cogitent encore

dans l’esprit et ne finissent d’habiter mon âme à la manière des roches

des perles et de toutes nos parcelles d’éternités.

Correspondre

@hardcorepunkbf

Le jardin correspond avec quelqu’un que personne ne regarde. Ce fantôme a besoin de peu de chose pour poser la voix qui fait frissonner par ses silences les feuilles lourdes de la torpeur.

Que comprendre des mots qui se retiennent de tomber là où poussent les humains mais se récoltent à foison dans les flaques dont la surface sert de miroir à tous les visages de la mer?

La pluie, petite poule blanc neige picore des graines invisibles. Parmi elles, il doit bien y avoir quelque perle, quelque promesse oubliée et quelques unes de mes larmes anciennes.

hululement

Tyto alba (Audubon)

Jean-Jacques Audubon [Public domain], via Wikimedia Commons

La nuit venait de naître
quelques étoiles voulaient
se mirer dans la mer
le ciel violet volait
au dessus du jardin
quand brassant le silence
de ses grandes ailes
crémeuses une chouette effraie
me rappela que pour le mesurer
depuis bientôt quarante mille ans
le temps les hommes se servent
d’instruments qui permettent
parfois d’imiter avec une précision
qui arrache les larmes
un hululement.

Orage

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©Bertrand Els via https://www.facebook.com/profile.php?id=100011021192160

Au dessus de la mer
le ciel est un mirage
la ligne imaginaire
qui les joint l’un à l’autre
est absente
tirée par un cil de lune
une vague et son écume
annoncent les nuages

une gorgée de vent
une gorgée de ciel
une gorgée de source d’entre les pierres
l’orage est en mer
mais qui s’en soucie ici

un cheval comme une nef
rapporte du large
une robe presque noire
déjà grise fouettée de lumière encerclée
d’ombres formant des o

Ce qui bouillonne je le comprends
c’est ce que personne ne peut voir
de prime abord
cet univers sous-jacent qui prend tant d’espace

sous la surface où accourent les larmes
se mélangent en un éclair

impressions et sentiments

se défont de leur fourreau de soie quelques
psychés
la nuit se rempli de chants
inouïs

Digitale

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photo: Bertrand Vanden Elsacker

Au dessus du maquis une à une naissent les étoiles

une lueur lactée les berce les fait vaciller

Des parfums empruntent les allées invisibles

de mon âme

ce qui se tisse c’est la toile

d’une araignée qui revient toujours et toujours sur ses pas

pas un mot ne lui échappe

aiguilles flammes brindilles pétales

lascifs feuillages épuisés par ce soleil

qui meurt chaque soir

cet oeil qui me regarde me juge me condamne

est son venin détestable

c’est qu’il me paralyse cet animal

et gèle mes actes et sanctifie

tout ce que je rate

La lune faucille rouillée

accrochée à la dernière étoile

laisse sur les eaux et leurs miroirs

l’empreinte digitale

de ma toute première

larme

Or

Artem Ogurtsov
Artem Ogurtsov

L’or est dans le regard

Du lys blanc

Tu le frôles frelon vrombissant

Tu emportes le printemps

Comme un pigment

pour faire tinter l’horizon

L’or est dans l’iris

du loup

du chat

du lion descendu de la montagne

Dans les flammes vertes et les aiguilles des buissons

qui rongent les ombres et frémissent

les pupilles brillent et se fendent

La mort s’envole en croassant

Juste avant que la lune naisse

L’or est dans la tresse de cette folle

Sa plénitude te transperce

comme le dard de cette fleur

dont les parfums habillent

la nue